Dr Sidi El Moctar Taleb Hamme - Le savoir, dans le plus large sens du terme, devient désormais le support fondamental des politiques de développement économique et social des pays et le moteur de croissance.
Cette réalité que traduit suffisamment le concept de "économie du savoir", oblige aujourd’hui les pays, surtout en voie de développement, à intégrer cette nouvelle donne dans leurs politiques et stratégies pour en faire, au moins, une composante essentielle.
C’est dans le cadre de cette dynamique et à l’instar des pays qui lui ressemblent, que notre Mauritanie s’efforce, depuis quelques années, de renforcer ses infrastructures d’enseignement et de recherche, de diversifier la vocation de ses institutions en la matière et d’introduire de nouvelles filières. Ces efforts visent à consolider les acquis, à assurer une évolution progressive des performances des institutions existantes et à répondre, par de nouvelles créations et/ou autres initiatives, aux évolutions de notre société et de nos rapports avec un monde, en permanence, en mutations.
La transformation de l’Ecole Nationale d’Enseignement Maritime et des Pêches en une Académie Navale avec trois unités spécialisées et le regroupement d’une part, de l’Université de Nouakchott et l’Université des Sciences, de Technologie et de Médecine dans l’Université de Nouakchott Al-Aasriya et de l’autre, des écoles d’ingénieurs au sein de l’« Ecole Supérieure Polytechnique », s’inscrivent pleinement dans l’esprit des réformes entreprises par les pouvoirs publics dans plusieurs secteurs.
Celles-ci visent à élargir notamment le champ de compétences des institutions nationales d’enseignement et de recherche de manière à couvrir toutes les spécialités dont pourrait dépendre l’épanouissement culturel, social et économique du pays.
Parmi ces réalisations réformistes, on peut également comptabiliser l’adoption de stratégies pour la recherche scientifique et l’enseignement supérieur, la volonté d’adhérer au Conseil Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur (CAMES) des pays d’expression française et enfin la création, en perspective, d’une Agence Nationale d’Assurance Qualité.
A remarquer que tous ces efforts, sont déployés conformément à la volonté de l’Etat mauritanien de promouvoir davantage la bonne gouvernance des institutions étatiques d’enseignement supérieur, de recherche et de formation technique et professionnelle; le but étant de faire de l’ensemble de ces institutions le socle du développement par le solutionnement des multiples questions que soulèvent les enjeux de ce développement à l’échelle des institutions publiques, du secteur privé, de la société civile et des rapports de tous ces acteurs avec les partenaires et la communauté internationale.
Serait-ce le lieu de rappeler que l’input des établissements d’enseignement supérieur vient du deuxième cycle de l’enseignement fondamental et que celui-ci est alimenté par l’output du premier cycle de cet enseignement. En d’autres mots, la qualité des cadres supérieurs à former est directement fonction de la qualité de l’enseignement dispensé au niveau des cycles de base.
Cette relation dialectique entre les cycles, c'est-à-dire du primaire, du secondaire, de l’universitaire et du postuniversitaire aussi, exige que toute réforme relative à un maillon du système éducatif national soit entreprise dans le cadre d’une vision à long terme de développement, d’abord et d’une approche systémique intégrant notamment les dimensions verticale et horizontale, ensuite.
En ce qui concerne particulièrement le fondamental, il est proposé de réfléchir à éliminer le collège pour avoir 8 ans pour le primaire et 4 ans pour le lycée. Il faudra aussi voir l’opportunité de finir avec des lycées d’enseignement général et de transformer les présents « Lycées d’Excellence » en lycées spécialisés du genre: lycée de mathématiques, de physique-Chimie, d’électronique, de biologie-écologie, d’économie, d’histoire-Géographie, de langues, etc.
Ces mesures devront être complétées par le renforcement des centres de formation technique et professionnelle par leur diversification et la prolongation, dans des cas, de la durée des formations (BEPC ou niveau Bac, Bac + 2 et Bac + 3) ; c’est faire correspondre les profils de ces centres aux types des lycées spécialisés proposés, de redresser le ratio cadres supérieurs-cadres moyens et d’assurer au pays une autonomie dans plusieurs domaines d’emplois jusqu’ici occupés par des étrangers.
A propos, l’idée d’interdire l’exercice privé de l’enseignement fondamental, évoquée lors du dernier Dialogue National Inclusif, devrait être renforcée par la limitation du champ de l’enseignement supérieur privé aux seuls domaines où l’Etat n’a pas investi ou existe une insuffisance réelle.
L’adoption de ces réformes, nécessitera une période de transition pendant laquelle on maintiendra l’enseignement général tout en le réduisant progressivement au profit des lycées spécialisés et en spécialisant aussi davantage les lycées d’excellence actuels.
Cette transition permettra aussi de disposer d’un côté, de ressources humaines suffisantes par la reconversion et le recrutement et de l’autre, des infrastructures nécessaires : construction d’écoles, laboratoires équipés dans des locaux adaptés conceptuellement, etc.
D’autre part, l’application de cette vision à la base devra aider à une plus grande visibilité au niveau des établissements de formation moyenne et d’enseignement supérieur et du caractère complémentaire de la mission de ces établissements avec celles des autres composantes du dispositif éducatif national.
Quelle que soit la décision qui sera retenue à ce sujet, les exemples de la Corée du Sud, de la Malaisie, de Singapour et d’autres pays, resteront une source d’inspiration privilégiée pour les auteurs nationaux des réformes pédagogues.
Dr Sidi El Moctar Taleb Hamme